Les cités

 

Pour les réfugiés du Nord et du Pas-de-Calais

En 1936, en cas de repliement du Pas-de-Calais, ce sont 322 298 personnes que le département devra héberger. Les villes de Lorient, Keryado et Vannes étant soumises à une dispersion éventuelle, il faudra imposer aux localités du Morbihan une population sensiblement égale à celle qui les compose. Soit une augmentation de 100%. Le préfet en conclut qu'il faudra prévoir, pour parer à toute éventualité, un nombre très important de baraquements.
Larmor qui compte 1729 habitants devra en recevoir 1675 venant du canton de Hucqueliers.

 

En octobre 1939, le Morbihan est désigné pour recevoir, en cas d'évacuation, une partie de la population du Nord. Ce sont 185 000 personnes qu'il faut prévoir d'héberger. Compte tenu des conditions d'existence très modestes des Morbihannais et de l'insuffisance des possibilités de placements chez l'habitant, le préfet arrête un plan de construction de baraquements. Ils devront être terminés pour le 1er mai 1940.

 

Le 23 octobre, M. Bardet, architecte départemental, met au point un descriptif pour la construction de villages pour réfugiés.
Chaque village comprendra :
1° dix baraques dortoirs de 27,10 m de longueur sur 6 de largeur, chacune susceptible de loger 64 réfugiés en couchettes superposées par boxes de 8, séparées par des cloisons de 2 m de hauteur ; à l'extrémité de chaque baraque sera Plan type de baraquement placé un poêle.
2° une baraque centrale pour cuisine, office, réfection de 39,10 m de longueur sur 6 m.
Dans le réfectoire, deux tables avec bancs de 27,00 m de longueur.
Dans la cuisine seront installées des marmites et fourneaux.
Dans l'office il sera prévu un réservoir en ciment pour plonge et table pour recevoir la vaisselle.
3° une baraque pour les services généraux : infirmerie, douche, buanderie, dépense de 24,00 m de longueur sur 6 m de largeur.
Dans la dépense des casiers seront prévus pour les denrées alimentaires, tables, chaises pour bureaux.
Dans la buanderie, deux lavoirs en ciment de 4,00 m de longueur et une marmite pour chauffer l'eau.
Dans les douches, sièges en bois dans vestiaires avec porte-manteaux, chaudière avec ballon de réserve de 25 litres, mélangeur, dix pommes de douches.
Dans l'infirmerie, six couchettes simples, tables, chaises pour bureaux.
4° deux petites baraques pour 6 W.C. Une aire en ciment sera établie sur le sol pour recevoir les tinettes. Le sol en béton avec siège à la turque reposera sur des murets en parpaings, un escalier en bois permettra d'accéder aux W.C surélevés.
Cet ensemble sera alimenté en eau potable. Toutes les baraques seront munies de lampes électriques avec branchements se raccordant au secteur. Les eaux usées seront évacuées vers les points bas du terrain ou dans les égouts communaux.

 

Au vue de ce descriptif, l'administration adopte un modèle type de baraque visible dans les chantiers de M. Jean Perigault, 5 rue des Abattoirs à Lorient.

 

14 villages sont prévus dans le département, permettant le logement de 8960 réfugiés. Deux seront édifiés à Larmor : l'un à Kercavès et l'autre à Locqueltas. Il est fait appel à la concurrence.
M. Le Saint, entrepreneur à Lorient, se voit attribuer celui de Kercavès.
Et M. Fourrière, entrepreneur à Lorient, celui de Locqueltas.
Les baraques sont livrées dans les chantiers de M. Périgault.

Les terrains nécessaires sont requis pour les besoins de la Nation. Ainsi, le 23 décembre, 5 parcelles de terre situées à Locqueltas, sont réquisitionnées par le maire. Elles ont une contenance totale de 74 a 80 ca et appartiennent à Félix et Adolphe Romieux.

A Kercavès, Alexandre Le Saint loue au service des réfugiés un terrain de 70 a 40 ca faisant autrefois partie du champ de tir.

 

Début avril 1940, la cité de Locqueltas est terminée. Il se dit que si ces baraques ne sont pas occupées par des réfugiés, elles pourront être utilisées à d'autres fins : logement de troupes, ou colonies de vacances. Elles pourront aussi être vendues par tronçons pour être déplacées dans des terrains particuliers.
La réception définitive a lieu le 3 septembre.
Les baraques sont équipées du matériel nécessaire : literie, draps, couvertures, serviettes, vaisselle, etc.

 

Dès l'arrivée des troupes allemandes à Larmor le 24 juin 1940, elles occupent les baraquements de Locqueltas et de Kercavès.
En septembre 1940, les réfugiés du Nord et du Pas-de-Calais installés à Larmor quittent la commune.

Dès mars 1941, toutes les villas situées sur le bord de mer sont réquisitionnées par les autorités allemandes.

 

Le 2 octobre 1941, le conseil municipal considérant :
- que la commune a reçu les premières bombes tant allemandes qu'anglaises ;
- que son territoire est parsemé d'objectifs militaires susceptibles d'être bombardés journellement ;
- que les troupes d'occupation ont été au nombre de 2000 et sont susceptibles de dépasser ce nombre si on tient compte que sur environ 650 maisons d'habitation édifiées sur la commune, 350 sont occupées par les autorités allemandes ;
- qu'une quarantaine de bombes explosives ou incendiaires sont tombées sur le territoire de la commune ;
Les risques d'attaques aériennes et par suite les dangers pour la population sont augmentés.
En conséquence, le conseil exprime le désir que le personnel communal reçoive l'indemnité de bombardement perçue par leurs collègues des communes voisines.

 

Le 27 novembre 1941, l'intensification des bombardements aériens conduit le ministre de l'intérieur à mettre au point des mesures d'évacuation d'une partie de la population (femmes enceintes et enfants) des localités bombardées. Lorsque les possibilités d'hébergement à l'intérieur du département d'origine seront épuisées, il se fera vers des départements de replis. Pour le Morbihan, il s'agit du Loir-et-Cher, de la Mayenne et de l'Indre et Loir.

 

Le 19 mars 1942, la commune est dotée de titres spéciaux d'alimentation.

Les baraques de Kercavès sont enlevées le 10 mai 1942, tandis que celles de Locqueltas demeurent, à l'exception de l'une d'elles incendiée au cours du bombardement allié du 7 février 1943. Ce jour-là 250 avions en 3 vagues lâchent des milliers de bombes incendiaires et une centaine de bombes explosives sur Lorient et la région. En 1944, les baraques de Locqueltas servent au cantonnement des ouvriers, requis par les autorités allemandes, qui exécutent des travaux de fortification dans la région.

Un document émanant du service des réfugiés, daté du 27 août 1942, fait état de la population à évacuer dans la région de Lorient. Pour Larmor, ce sont 2183 personnes et il n'en resterait sur place que 27.

Fin 1942, les bombardements deviennent presque quotidiens. Par arrêté préfectoral, l'école est fermée. Le 20 novembre, 40 maisons sont détruites à Larmor et 7 personnes sont blessées. En janvier-février 1943 les bombardements avec des bombes incendiaires ou explosives sont incessants, de jour comme de nuit. 60 maisons sont détruites et de nombreuses autres sont endommagées. 3 personnes sont tuées et 2 autres blessées.

 

Le 3 février 1943 les habitants de Larmor reçoivent l'ordre d'évacuer avant le 10. Seules sont autorisées à séjourner dans la commune les personnes dont la présence est nécessaire au maintien de la vie économique et en possession d'une autorisation spéciale de séjour. Cet arrêté est confirmé par la circulaire préfectorale du 5 mars faisant suite à la lettre de la Feldkommantur qui impose d'évacuer les réfugiés sur les départements d'accueil (Mayenne et Indre-et-Loire) avant le 24.
Chacun se réfugie loin de Lorient.
Environ 300 maisons, totalement ou partiellement détruites, donneront lieu à des dommages de guerre.

La chapelle de Kerhoas est également détruite lors de ces bombardements.

  

Cette ancienne chapelle, propriété de la fabrique de Plœmeur, puis de la commune de Larmor-Plage était située au village de Kerhoas.

Situation de la chapelle

Nous n'avons trouvé aucun renseignement sur cette chapelle, si ce n'est un dossier de demande d'indemnité de reconstruction après la Deuxième Guerre.

La municipalité la restaure quelques années avant la guerre, en particulier en refaisant la toiture.
Elle est ouverte au culte à l'occasion du pardon annuel jusqu'en 1940, date à laquelle elle est occupée par les Allemands. Ils s'en servent comme cuisine et dépôt de vivres jusqu'à son bombardement en février 1943 où elle subit des dégâts très importants.
Les dommages de guerre sont chiffrés à 473 273 francs.

En accord avec le recteur de Larmor, elle est désaffectée et le droit à indemnité est transféré sur l'église paroissiale pour des réparations de la toiture.

Fontaine Saint-Thurien

 

 

 

A la demande des habitants du quartier, une niche est construite à côté de la fontaine pour abriter Saint-Thurien, statue en bois conservée après la démolition de la chapelle.

 

Après la reddition de la poche de Lorient le 10 mai 1945, seules les personnes indispensables à la vie économiques de la commune sont autorisées à réintégrer Larmor.

La crise aiguë du logement conduit la municipalité à demander au préfet la création d'un service municipal du logement.

 

 

Pour les sinistrés de Lorient et de Larmor

Fin 1945 il est décidé de construire des cités de baraques pour permettre le relogement de la population de Larmor encore réfugiée.
Des arrêtés d'occupation temporaire de parcelles de terre pour une durée de 5 ans déterminent les zones d'implantation des cités.

Des baraques de deux types sont installées :
- la française de fabrication locale de 10 m sur 4 avec 3 pièces et un cellier ;
- l'américaine, livrée au port de Lorient, caractéristique à son toit plat, plus vaste et mieux aménagée, avec en particulier une salle de bain dotée d'une baignoire.

 

Début 1946, 35 maisons préfabriquées sont construites route de Lorient-Plage et 15 autres route de Kerblaizy.

Cité de Lorient-Plage 

En mai 1946, devant le manque de place à Lorient pour implanter les baraques suffisantes pour permettre le retour des réfugiés Lorientais pendant la reconstruction de la ville, la municipalité de Larmor-Plage accepte que des cités soient construites sur son territoire en donnant son avis sur le choix des terrains.

Mais le 8 juin, elle réagit violemment à la construction d'une vaste cité à Kermélo, étant mise devant le fait accompli. M. Gressard, chef d'arrondissement au ministère de l'urbanisme, explique que sur ordre de la préfecture, devant l'urgence, ils ont été amenés à choisir sans consultation ces terrains les plus proches de Lorient.
Constituée essentiellement de baraques américaines, elle sera même dotée de son église provisoire : la chapelle Saint-Yves.

A la demande de l'inspecteur primaire de l'éducation nationale, le 1er décembre la commune émet un avis favorable à la réquisition d'un terrain de 5000 m² pour l'implantation d'une école à Quélisoy. Cette école en baraque destinée aux enfants des cités de Kermélo, des Quatre-Chemins et de Kercavès va fonctionner une quinzaine d'années.

Les abattoirs de Lorient étant détruits, en 1946, il est décidé de construire un abattoir provisoire sur un terrain appartenant à MM. Jérôme et Jean Ruseff, en bordure du Ter, sur la rive droite, en amont du pont de Kermélo. La parcelle étant louée à la société "Les matériaux cellulaires de Bretagne", elle est réquisitionnée.

 

Le 12 avril 1947, le conseil municipal procède au tirage au sort pour la répartition des baraques de Kerblaizy.

 

Les Lorientais installés dans les cités de Larmor continuent à relever de la ville de Lorient pour la plupart des actes administratifs : état civil, police, listes électorales, cartes d'alimentation, etc.

Deux autres cités importantes sont installées aux Quatre-Chemins et à Kercavès.

 

Début 1948, le conseil est encore confronté au relogement de 81 familles sinistrées de la commune. Les attributions de baraques par les services de la reconstruction ayant cessées depuis plusieurs mois, il demande au préfet une solution pour remédier à cette situation : baraquements, immeubles collectifs ou tout autre moyen de relogement.

La crise du logement persiste puisqu'en 1952 il y a toujours une centaine de demandes de retour des réfugiés à cause de logements insalubres, de logements insuffisants ou de levée de réquisitions. 330 baraques implantées sur le territoire de la commune donnent abri à des étrangers. Le conseil demande que la question des réparations d'offices des maisons soit examinée. Il réclame également la remise à la mairie des baraques libérées.

 

Le 27 juin 1954, le conseil constate que 9 ans après la libération, la commune est encore considérée comme une annexe de Lorient dans laquelle des organismes ont pouvoir absolu d'attribuer des baraquements et même d'en implanter de nouveaux.
Elle s'élève contre le fait que des baraquements rendus libres soient attribués à des étrangers à la région alors que depuis de nombreuses années, la commune de Larmor-Plage réclame des logements pour ses sinistrés qui ne sont pas encore rentrés. Priorité doit être donnée aux sinistrés de Larmor. Elle proteste également contre le fait que l'administration du M.R.L.(Ministère dela Reconstruction et du Logement) autorise de nouvelles implantations de baraques alors qu'elle refuse l'autorisation de construire en dur dans les mêmes parages à des gens de Larmor qui disposent de terrains et de capitaux. Toute implantation de baraque non destinée à des habitants de la commune doit être interdite.

 

En 1956, des baraquements continuent à se monter à Larmor sans permis de construire. La commune se plaint de cette situation et demande que les baraquements soient autorisés dans les seuls terrains de Kermélo et de Kercavès réquisitionnés à cet effet pour le relogement de familles sans abri.
Deux ans plus tard, la situation perdure. Le garde-champêtre a dressé 42 procès-verbaux concernant l'implantation de baraquements irréguliers sur la commune mais aucun n'est instruit par le M.R.L.
Le conseil municipal demande au préfet de prendre un arrêté interdisant l'implantation de telles constructions en dehors des cités.

 

La cité de Kermélo cesse d'être habitée au début des années 1970 après le départ des dernières familles vers les nouveaux logements HLM de Kervénanec et de Bois-du-Château à Lorient.