Demande à jouir des prérogatives d'une trève


Les évènements de 1789 incitent les habitants de Larmor à demander à la municipalité de Plœmeur que l'église de Larmor puisse jouir des prérogatives trèviales pour la commodité des quatorze à quinze cents individus qui sont dans le quartier de L'Armor et qui se trouvent éloignés d'une lieue et quart du bourg paroissial.
Mais le conseil estime que la paroisse se trouvait chargée d'assez d'autres affaires sans qu'elle voulut s'intéresser auprès du distrcit pour procurer ces Droits de l'Homme et de la Liberté aux trèviens de L'Armor pour les affranchir du joug de l'Ancien Régime : que dans un an ou deux que les affaires seraient terminées, l'on verrait à entrer dans les vues des trèviens de L'Armor.

Face à ce refus, le 27 décembre 1790, une quarantaine de citoyens du quartier de Larmor adressent une pétition au directoire du district d'Hennebont dont relève Plœmeur.
"A messieurs le maire et officiers municipaux et monsieur le procureur syndic du district d'Hennebont au département du Morbihan.
Supplient humblement tous les habitants du quartier de L'Armor.
Disant que de temps immémorial l'église de L'Armor a joui du titre d'église trèviale sans que l'on ait jusqu'à présent fait d'effort pour lui faire jouir des prérogatives attachées à cette qualité.

Les trèviens de L'Armor ont présenté une requête à la municipalité de Plœmeur pour avoir son approbation à ce que l'église de L'Armor pût jouir des prérogatives d'église trèviale, que l'on y baptisât, fiançât et épousât, comme l'on enterre ; qu'il y eut grand-messe et vêpres. Joint l'offre des suppliants de fournir la pension taxée par l'Assemblée Nationale pour deux ministres des autels qui y seraient nécessaires.

La municipalité de Plœmeur n'a fait qu'une réponse vague et nulle, sans donner son adhésion ni un refus. L'on voit par cette réponse qui est de toute nullité
      - que la commodité de quatorze ou quinze cents individus qui sont dans le quartier de L'Armor et qui se trouvent éloignés d'une           lieue un quart du bourg paroissial de Plœmeur,
      - que le salut de plusieurs citoyens que l'état perd, à envoyer baptiser si loin,
      - que l'intérêt même de la religion, puisque plusieurs marins qui arrivent trop tard pour aller à la grand-messe, sont obligés de              s'en passer,
sont des objets de trop peu de conséquence pour mériter l'attention de la municipalité de Plœmeur avant deux ans. En vérité, il faut qu'elle soit chargée d'affaires bien importantes pour ne jeter les yeux qu'en passant sur une réclamation si juste et si nécessaire.

En effet, l'on n'est pas à présent, à connaitre tous les inconvénients qui résultent de porter les enfants si loin pour recevoir le baptême, par des chemins impraticables ou difficiles, par un temps orageux exposé à la grêle, à la neige, au vent, à la glace, à la pluie et à toutes les injures de l'air. Quel que soit le soin que l'on prenne d'abriter ces enfants nouveaux nés, la longueur du chemin ne laisse pas d'être fatale à quelques-uns. . Et cela d'autant plus que le recteur Guillevic fait preuve d'aucune compréhension et de la plus grande désinvolture : il se fait attendre sous un porche et des deux ou trois heures avant de venir faire le baptême pendant qu'il défend expressément aux père, parrain, marraine ou nourrice d'entrer en aucune auberge pour chauffer l'enfant nouveau-né. Il en est de même pour ce qui concerne les mariages, le recteur Guillevic fait attendre les conjoints des demi-journées entières. En vain voudrait-on lui représenter que son état exige qu'il quitte la table, les parties ou les compagnies pour remplir les fonctions de son ministère.

L'on serait à l'abri de tous ces inconvénients si l'église de L'Armor avait des fonds baptismaux et deux ministres des autels pour exercer les fonctions curiales ; l'église étant à portée de tous les trèviens, l'état gagnerait bien des citoyens qu'il perd par cet éloignement.
Quant à l'intérêt de la religion, les capitaines d'embarcations dont plusieurs demeurent même au bourg trèvial et dans la trève de L'Armor, sont dans le cas d'assurer nombre de fois qu'ils ont été obligés de se passer de messe, faute qu'il y eut une grand-messe à L'Armor, lorsque arrivant de voyage ou se trouvant relâcher environ neuf ou dix heures le mauvais temps les empêche de pouvoir aller avec leur canot au Port-Louis. Il en est de même de tous les autres bâtiments étrangers qui viennent en relâche au Kernével, rade aussi fréquentée que l'église de L'Armor se trouve déserte après la messe mâtine, parce que l'on n'y exerce pas toutes les fonctions curiales, n'ayant ni grand-messe, ni vêpres. Sans toutes ces raisons aussi justes que plausibles la commodité de quatorze ou quinze cents individus suffirait pour engager votre justice à accorder aux trèviens de Larmor les fins de leur demande.

SignaturesPourquoi ils ont l'honneur de conclure et considérer qu'il vous plaise, messieurs, ayant égard à l'exposé ci-dessus, ordonner qu'il sera incessamment construit des fonds baptismaux à l'église trèviale de L'Armor pour que dorénavant l'on y baptise les enfants nés dans la dite trève, qu'il soit libre aux trèviens d'avoir deux prêtres pour exercer les fonctions curiales afin qu'ils puissent avoir dans leur église grand-messe et vêpres, ne demandant par leur requête aussi juste que légitime que les droits de l'homme et de la liberté en s'affranchissant de l'ancien régime et la commodité de quatorze à quinze cents individus et ferez justice".

Noms des signataires :
Marc Magado, Joseph Sceau, Mathurin Le Darz, Louis Bienvenu, Ambroise Le Quintrec, Guillaume Le Goff, Laurent Rodas, Jean-Joseph Le Chaton, Jean-Joseph Le Mouligner, Joseph Palan, Louis Pilot, J.Romieux, Mathurin Le Toux père, Mathurin Le Toux fils, Pierre Le Scanvic, Jean François Bourique, Louis David, Pierre Le Couezec, Le Quint, Guillaume Romieux, Pierre Le Bourhis, Pierre Le Montagnier, Jean-Baptiste Lamour, François Le Luc, Matié, Jacques Le Scanvic, Bonaventure Roudic, Nicolas Le Dorze, Julien Le Baron, Guillaume Le Roy, François Guegan, Chauvelier, Dufour, Durieux, Le Goyec, Pinault Détresselin, Joseph Bourlaouen, Laurent Herniaut, Joseph Coutic, Talhouarn, Yves Rolland.

Après avoir pris l'avis de la municipalité de Plœmeur, le directoire d'Hennebont répond qu'on verrait lors de la nouvelle circonscription des paroisses. Ce n'est qu'en 1873 que les choses vont évoluer favorablement !

Signalons que le 19 juin 1791, les officiers municipaux de la communauté de Plœmeur, pour se conformer à un récent arrêté de l'assemblée nationale, divisent le territoire de la commune en 16 sections qui correspondent aux frairies. La future commune de Larmor se trouve dans 3 d'entre-elles.
La quatrième ou section de Kervogam qui donne du midi sur le champ de Kerbihan nommé Croix Scaoudic, sur un chemin qui conduit du dit champ à Larmor et du même champ sur un autre chemin qui conduit à une claye nommée claye Marie Raoul et de cette dite claye au chemin qui conduit au village de Kervogam et sur la rade du Port-Louis. Du couchant sur le chemin qui conduit du bourg de Plœmeur à Keramzec et sur patis du même village et sur chemin conduisant du dit patis à Toulhars. Du nord sur un ruisseau descendant à l'étang du vieux moulin du Ter et du dit moulin sur le rivage de la mer jusqu'au passage de Kermélo. Du levant sur le bord de la mer depuis le dit passage de Kermélo jusqu'au Kernével.
La cinquième ou section de Larmor qui donne au midi sur la rade de Larmor, au levant sur le grand champ du Kernével, au nord sur le village de Kercavès et au couchant sur l'étang de Kerderff.
La sixième ou section de Kerguélen qui donne au levant sur la commune de Kercavès et Kerderff, au midi sur la côte, au couchant sur la commune de Kerlafret et sur un ruisseau qui sépare Kervam de Kerascouet et de Saint-Bieuzy, du nord sur la lande de Landé.

1847 Nouveau refus
La chapelle de Larmor survit à la Révolution, mais elle perd son chapelain exilé en Espagne et dont la maison a été saisie et vendue. Désormais, seul un vicaire de Plœmeur peut venir y célébrer le culte. Autant dire que la pratique de la religion est bien difficile pour les Larmoriens.

En 1847, ils demandent que la section de Larmor soit érigée en paroisse succursale. Mais le 14 novembre, devant le conseil municipal, les habitants de Plœmeur estiment que cela serait contraire aux intérêts de la commune et au bien de la paroisse. Quant aux dépenses que cela entrainerait, celles-ci étant du ressort de la commune, ils argumentent que le secteur de Larmor étant le moins riche de la commune, ce sont les autres qui subiraient les plus fortes charges pour une paroisse qui ne serait pas la leur !